La Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie connaît actuellement ses plus graves tensions depuis les années quatre- vingt, et un des problèmes principaux est le même qu'il y a quarante ans. Le choix de qui peut voter pour décider de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, car l'archipel français depuis 1853 est en fait divisé entre deux camps.

D'un côté, les loyalistes qui veulent que la Nouvelle-Calédonie reste française et, de l'autre, les indépendantistes. Cette opposition a entraîné des années de violence, notamment entre 1984 et 1988, une quasi guerre civile qui a poussé les deux camps et l'État français à signer des accords historiques : ceux de Matignon en 1988, puis de Nouméa, dix ans plus tard.

Dans ces accords, il a notamment été décidé d'une chose : seuls les Kanaks, les peuples autochtones de l'archipel et les habitants de longue date pourraient voter à certaines élections et référendums. Cette restriction avait été décidée pour que des personnes majoritairement européennes arrivées depuis quelques mois ou quelques années à peine ne puissent pas décider de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

C'est ce qu'on appelle le corps électoral spécial et il est encore en vigueur aujourd'hui. Mais alors, comment ça marche, concrètement ? pour la présidentielle, les législatives et les européennes, c'est comme dans l'Hexagone: tous les Français majeurs votent. Mais pour les élections provinciales- attention, écoutez bien- seuls peuvent voter ceux qui vivaient depuis au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie en 1998, ainsi que leurs descendants.

Ces élections provinciales permettent de désigner indirectement le gouvernement de l'archipel. Du coup, si le système de vote actuel respecte l'accord historique de 1988 et 1998, qui ont d'ailleurs été intégrés à la Constitution, pourquoi est-il remis en cause aujourd'hui ? En plus de ce corps électoral spécial et d'une plus grande autonomie pour la Nouvelle-Calédonie, ces accords prévoyaient l'organisation de trois référendums d'autodétermination. Ils ont tous été remportés par le camp du maintien dans la France, même si le dernier en 2021 a été boycotté par les indépendantistes. Et il était prévu que ces trois noms mettent automatiquement fin aux accords de Nouméa. La suite était également prévue. L'État, les loyalistes et les indépendantistes doivent se mettre d'accord sur la possibilité ou non d’un nouveau référendum d'autodétermination et sur une nouvelle relation entre la France et la Nouvelle-Calédonie, sauf que depuis décembre 2021, rien.

Les différentes parties n'arrivent pour l'instant pas à se mettre d'accord sur des propositions communes. Donc, en attendant, ce sont toujours les accords de Nouméa qui sont en vigueur, notamment concernant le point au cœur des tensions actuelles, le fameux corps électoral spécial. Aujourd'hui, environ 40 000 personnes en sont exclues, dont des personnes nées en Nouvelle-Calédonie ou y vivant depuis plus de quarante ans : les loyalistes et le gouvernement considère aujourd'hui que les critères doivent évoluer. Le Gouvernement a donc lancé une réforme constitutionnelle qui prévoit d'intégrer dans le corps électoral spécial tous ceux nés en Nouvelle-Calédonie ou  vivant depuis plus de dix ans, ce qui correspond à environ 25 000 nouveaux électeurs, soit 14% des lecteurs supplémentaires, un changement très proche de celui demandé par les loyalistes. La réforme a été votée le 2 avril par le Sénat, puis le 15 mai par l'Assemblée nationale. Emmanuel Macron a prévu de convoquer à la mi-juin le Congrès pour la faire adopter définitivement, à moins qu'un accord soit trouvé, entre-temps, entre indépendantistes et loyalistes. Les indépendantistes dénoncent, eux, la méthode du gouvernement qui s'est lancé sans accord dans une réforme constitutionnelle tout en privilégiant de manière inédite un camp plutôt qu'un autre. Pour eux, seul le corps actuel pourra les préserver d'une recolonisation. Ils réclament aujourd'hui le retrait du texte.