Mon crime de François Ozon - Sortie le 8 mars 2023

On savait que le théâtre était pour François Ozon une source d'inspiration depuis son premier long métrage, Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, adapté en 2000 d'une pièce de Rainer Werner Fassbinder. Le réalisateur travaillera à nouveau sur les artifices de la théâtralité pour mettre en valeur, en 2002, les actrices iconiques françaises de "8 femmes", un vaudeville misogyne des années 50. "Mon crime" fait de nouveau la part belle aux comédiennes. Ce sont, cette fois-ci les toutes jeunes Nadia Tereszkievi et Rebecca Marder qui portent le film et nous enchantent.
Mon crime, utilise un grand succès de l'entre-deux guerre, servi par une distribution exceptionnelle, pour nous régaler de l'élégance et du glamour des répliques des personnages qui s'affrontent. Ainsi, François Ozon adapte dans son dernier long métrage une pièce de boulevard de Berr et Verneuil, grand succès de la saison 1934 au Théâtre des Variétés à Paris.
Madeleine (Nadia Tereszkieviz, César 2022 du meilleur espoir féminin), jeune comédienne sans argent, est accusée du meurtre d'un producteur de cinéma. Son amie et colocataire Pauline (Rebecca Marder, révélée dans le film Simone), avocate en herbe, va prendre en charge sa défense lors d'un procès très médiatisé. Ce sera l'occasion de dénoncer le patriarcat, de plaider pour la parité et l'égalité des droits entre les sexes. Les deux jeunes actrices prometteuses sont irrésistibles !
Et les seconds rôles sont eux aussi très soignés. Fabrice Luchini, le juge d'instruction imbu de sa personne, n'est pas sans rappeler le très grand Louis Jouvet[1]. André Dussolier, en patriarche généreux qui se demande s'il n'a pas perdu la notion du bien et du mal et Isabelle Hupert en ex-gloire du cinéma muet qui vient prendre sa revanche, maîtrisent parfaitement leur sujet et sont d'une drôlerie surprenante. Quant aux deux comédiens humoristes, Dany Boon imitant l'accent de Raimu (en architecte ravi de profiter de la mort du macchabée) et Régis Laspalès (en Monsieur Brun, ce coup-ci inspecteur), ils se révèlent à la hauteur de cette comédie des années 30 avec leur accent pagnolesque[2] sur lequel le cinéaste François Ozon insiste pour rester fidèle à la bouffonnerie théâtrale dont il s'inspire.
Mais, ne nous y trompons pas, Mon crime est bien ancré dans la réalité d'aujourd'hui, le mouvement #Me Too est passé par là. Ce n'est pas le hasard si la victime de ce meurtre est un cinéaste libidineux! Et même si François Ozon se prête au jeu de la misogynie, on se rend bien compte que son film est du côté des femmes contraintes à jouer la comédie pour s'imposer dans un monde régi par le patriarcat.
Un film loufoque dans sa forme et sérieux dans le fond à ne pas manquer! Des performances d'acteurs et d'actrices, tous et toutes au meilleur de leur forme, à vous couper le souffle !
© Sylviane Colomer – Centre International d'Antibes
[1]Louis Jouvet, disparu en 1951, était comédien, directeur de théâtre, metteur en scène et professeur au Conservatoire national supérieur d'art dramatique.
[2]Les pièces de théâtre, Marius, Fanny et César, de Marcel Pagnol ont été adaptés au cinéma dans les années 30 avec des acteurs aux accents du sud, en particulier le grand Raimu dans le rôle de Marius.