ARJUNA de Matthieu Mariolle, Laurance Baldetti et Nicolas Vialk - Editions Glénat, 2022

Un Arjuna au féminin, pourquoi pas ? Direction l’Inde pour une brève histoire épique. Cependant, dans cet album, l’épopée indienne sert de vague toile de fond visant à mettre en scène une héroïne. L’histoire s’inscrit tout à fait dans l’air du temps et valorise une figure féminine. Un album à lire aussi, pour la maestria dont font preuve la dessinatrice et le coloriste.
Un Arjuna au féminin, pourquoi pas ? Direction l’Inde pour une brève histoire épique. Mais rappelons d’abord d’où provient le personnage. Dans l’épopée indienne, le Mahabharata, Arjuna est le champion de la lignée des Pandava. Il lutte contre la branche cousine des Kaurava, avec à leur tête Karna, le guerrier solaire. L’issue du conflit est prévisible dans la mesure où les Pandava ont à leurs côtés Krishna, avatar de Vishnou, dieu de la préservation et membre de la triade sacrée comprenant Vishnou, Shiva et Brâhma.
Cependant, dans cet album, l’épopée indienne sert de vague toile de fond visant à mettre en scène une héroïne. L’histoire s’inscrit tout à fait dans l’air du temps et valorise une figure féminine. Cette moderne Arjuna est une mercenaire, présentée et revendiquée comme telle. Autant dire qu’elle semble mal taillée pour incarner un idéal. Mais dans la mesure où on ne renouvelle pas un cliché en lui faisant simplement changer de sexe, elle finira bien évidemment par se montrer moins brutalement mercantile et pragmatique qu’on ne l’aurait cru. On songe à l’archétype du chasseur de primes ou du contrebandier au grand coeur.
Pourquoi lire un récit aussi classique à la sauce vaguement moderne ? D’abord parce qu’il ne commet aucune faute de rythme. Ensuite parce qu’il s’assume comme récit de « fantasy »et ne cherche pas à jouer la carte d’une Inde « éternelle et authentique » en tentant de se hisser au niveau de ses sources d’inspiration. Et pourquoi pas ? Après tout, les romans de Walter Scott ont été à l’origine de vocations d’historiens, en dépit du caractère très fictionnel et fantaisiste du moyen âge où se déroulent ses romans. Et personne ne songe à l’en blâmer. Arjuna ressemble à une série Netlfix ou à un jeu vidéo, dont il partage les partis pris esthétiques et idéologiques (rappelons que le terme n’est pas un gros mot et que l’idéologie ne recouvre pas systématique les idées de l’autre).
Enfin et surtout, l’album est à lire pour la maestria dont font preuve la dessinatrice et le coloriste. L’usage de la couleur, en bande dessinée, signe une période historique comme un trait particulier et d’autres critères esthétiques un courant de l’histoire de l’art. Cette histoire, les Français continuent de l’écrire. Héritière d’un classicisme en mouvement, à la fois rigoureux et influencé par le dessin animé Laurence Baldetti enlève son récit pour le plaisir du lecteur. Le coloriste, Nicolas Vial, apporte sa touche en s’inscrivant dans une mouvance contemporaine.
© Olivier Dalmasso – Centre International d'Antibes