Littérature

Stratus, une aventure de Tracnar et Faribol Scénario et dessin : Benoît du Pelloux Bamboo Edition, 2022

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La bande dessinée animalière affiche depuis longtemps de beaux fleurons à sa couronne, des aventures de Chlorophylle, par Raymond Macherot, dans les années 50 et 60, jusqu’à la magnifique saga De cape et de crocs, d’Ayroles et Masbou de la fin des années 90 jusqu’aux années 2000. Voici donc un nouveau bijou, à savoir le deuxième opus des aventures de Tracnar et Faribol, Stratus. On retrouve avec plaisir le duo formé par le renard Faribol et le loup Tracnar.

 

L’histoire prend place dans un royaume imaginaire. Les décors et les tenues évoquent le XVIIème siècle français, un espace et un temps propices aux récits de cape et d’épée. Impossible de s’en lasser : on n’aura jamais fini d’inventer ou de réinventer des histoires de mousquetaires, de complots et de trahisons.

Que se passe-t-il ? Stratus, l’oiseau magique du roi, sombre dans la déprime. Problème : l’humeur du volatile influe directement sur le climat. En effet, la morosité de Stratus provoque des pluies diluviennes que rien ne semble pouvoir arrêter. Le renard et voyou Faribol, vivant à l’écart de la ville, voit son terrier envahi par les eaux. Lui qui voulait se tenir à distance des affaires du royaume se voit contraint d’intervenir. Il retrouve son comparse et rival, le loup Tracnar, et les voilà embarqués dans une nouvelle aventure. Fable animalière, récit de cape et d’épée assorti d’une touche de fantastique, tel est le cocktail que nous propose Benoît de Pelloux.

Pourquoi lire cet album ? Tout simplement parce que c’est divertissant, beau et bien écrit. La maîtrise du trait et des couleurs rivalise avec l’incroyable Guarnido, à qui on doit la saga Blacksad ainsi que  le récent et époustouflant Les Indes fourbes. L’expressivité des personnages emprunte aux fabliaux du Moyen Âge comme à l’esthétique de Walt Disney, mais avec bien sûr la french touch.

Le récit, quant à lui, exploite les mécanismes classiques du conte et de la fable animalière avec brio. Les traîtres ont une physionomie de traître et les brutes ont le physique de l’emploi. Et le comportement est à l’avenant. C’est que ce type de récit a quelque chose de la Commedia dell’arte, aussi les personnages sont-ils des masques immédiatement reconnaissables. Le renard Faribol incarne un avatar de Goupil, le renard des récits médiévaux, et Tracnar est un nouvel Isengrin, preuve que les recettes traditionnelles fonctionnent toujours avec la même vigueur.

 Quant au langage employé, il reproduit l’aspect artificiel des romans que l’on aime tant : « Ne sois pas si prompt, compère, à employer la manière forte ». N’ayez pas peur de lire en français dans une langue soutenue et littéraire, d’abord parce que l’image propre à la bande dessinée se montre suffisamment parlante, ensuite parce que le lexique de ce genre de production n’est pas si étendu qu’il y paraît. Tentez l’expérience. Tentez-la d’autant plus que vous tiendrez entre vos mains davantage qu’une histoire pour les enfants.

 On est en effet parfois tenté de dire, face au genre de la fable animalière, que « c’est sympa », ou tout juste bon pour les enfants. Mais d’une part, tout le monde ne maîtrise pas avec un égal talent les ressorts des récits classiques et, d’autre part, le niveau de dessin atteint ici des sommets. C’est une mimique, c’est un regard, un costume, un chapeau, un angle de vue, bref du dessin de haut niveau ainsi qu’un concentré d’esprit français dans ce qu’il fait de meilleur. Un bel album, donc,  qui plus est appréciable pour toute la famille.

Ne vous refusez pas ce plaisir. 

© Olivier Dalmasso – Centre International d'Antibes

 



 

 

 

 

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