Littérature

Conan le Cimmérien, L’heure du dragon Scénario : Julien Blondel - Dessin : Valentin Sécher paru en novembre 2021 chez Glenat

Conan-le-Cimmerien-L-Heure-du-Dragon.jpg

Une nouvelle incursion réussie des Français dans le monde de la fantasy. L’occasion de revenir sur un genre devenu prolifique dans la bd francophone. Il faut souligner que cet opus s’inscrit dans un cadre plus large d’adaptations d’autres textes de Howard, le créateur de Conan. Par ailleurs, le scénariste a déjà travaillé sur la transposition d’Elric, le personnage inventé par Moorcock.

 

Conan, un nom qui évoquera immédiatement un personnage et un univers à tout lecteur ou spectateur de fiction dite « de genre ». Il s’agit d’un fils de forgeron, bravant l’adversité, et qui, à travers les épreuves qu’il traverse, devient roi d’Aquilonie, un royaume imaginaire. À l’origine de ce monde, un écrivain américain, Robert E. Howard, disparu à l’âge de 30 ans. Ces productions littéraires ne recueillirent de son vivant qu’un accueil mitigé, exception faite de ses derniers écrits. Cependant, il arrive qu’un auteur soit dépassé par son œuvre. C’est ainsi que les aventures du barbare Conan connurent un succès grandissant auprès d’une nouvelle génération de lecteurs. La popularité devint telle que, dans les années 80, le cinéma américain tenta deux adaptations diversement réussies et appréciées avec Arnlod Schwartzenegger dans le rôle-titre.

De son côté, le public français intéressé par la fantasy s’est lui aussi penché sur les aventures de Conan. Le personnage a ainsi acquis une aura, devenant de plus en plus familier au lectorat français. Rien d’étonnant, donc, à ce que naisse cette nouvelle série de bds lancée par Glénat visant à mettre en  image plusieurs histoires emblématiques tirées de la saga de Howard. Le dessinateur, Valentin Sécher, fait montre d’un talent pictural exceptionnel rivalisant avec les grands noms d’hier et d’aujourd’hui. Le niveau de maîtrise de l’anatomie, des décors et de la couleur est époustouflant. L’héritage réaliste de l’art romain et de la Renaissance ne gravitant jamais très loin des dessinateurs européens, la touche française nous présente un visage relativement familier de la fantasy, différent de la sensibilité d’un Américain. Le scénario de Julien Blondel, quant à lui, ne détonne guère par son originalité : Tarascus, un roi ennemi de Conan, ressuscite Xaltotun le Seigneur noir afin de vaincre son adversaire. Sorcier nécromant, roi avide de pouvoir, héros solitaire, esclavagistes, mages et druides, tout une panoplie devenue habituelle. Cela étant, on passe un agréable moment comme devant un épisode réussi d’une célèbre saga de HBO, à ceci près que l’on peut prendre le temps de savourer le dessin et le découpage afin de profiter au mieux de la dimension graphique de la narration. 

La bd francophone n’en est pas à son coup d’essai en matière de fantasy, qu’il s’agisse d’adaptations ou d’oeuvres originales. Révisons quelques classiques. Citons tout d’abord un bijou des années 90, la série Gorn, scénarisée et dessinée par Tiburce Oger, qui s’étale de 1992 à 2008, une œuvre épique et mélancolique. Le personnage principal, Gorn, est assassiné par traîtrise lors du siège de son château. Revenu de la mort, il doit reconquérir son épouse et chasser les « yeux rouges », les monstres envahissant le monde des hommes. Pour ce faire, il sera aidé par Eloïse, sa fille adoptive , ainsi que de la guerrière Dame Gorge. Changement d’ambiance avec Les chroniques de la lune noire d’Olivier Ledroit et de  François Froideval. Un elfe, Whismeril, part à l’aventure en quête de richesse et de pouvoir. Tous les clichés de la fantasy sont réunis dans cette saga : paladins, prêtres dévoyés, voleurs, démons brutaux et manipulateurs, mages retors. Whismeril étant le fils de Lucifer en personne, on se doute que rien ne va se dérouler dans la finesse, surtout si l’on tient compte du fait que le duo à l’origine de la bd affectionne les batailles sanglantes.

Si vous recherchez  un récit plus posé et contenant moins de violence, optez pour L’Epée de cristal, de Crisse et Goupil, et suivez les pérégrinations de Zorya, l’élue censée restaurer l’équilibre du monde. Une quête douce-amère au retournement final inattendu. On pourrait citer encore Légendes des contrées oubliées, de Bruno Chevalier, ainsi que bien d’autres titres que nous omettons. Faisons maintenant un saut jusqu’à notre époque. Les éditions Soleil publient depuis 2015 plusieurs sagas, centrée l’une sur les elfes, l’autre sur les nains. Le projet consiste à réunir un pool de scénaristes et  de dessinateurs afin de créer une grande quantité de récits comportant une unité de ton. Nous retiendrons la seconde série, sobrement intitulée Nains,  car cette dernière a su intégrer les inévitables clichés du genre tout en les dépassant, en offrant à ses personnages une densité réelle. Chaque volume met en scène un nouveau héros, le scénariste et le dessinateur variant pour chaque tome. Le lecteur attentif et soucieux de cohérence remarquera que le projet a été pensé en amont, car une continuité et une forte cohésion lient les récits au sein d’un même monde. Par conséquent, la série compte déjà 21 tomes aux personnages hauts en couleur et aux destins tragiques. Ainsi, un projet qui, sur le papier, relevait essentiellement de la stratégie commerciale tient ses promesses au point de vue qualitatif. Le neuvième art reste donc plus que jamais vivace en France. Aventurez-vous dans la fantasy à la française. Nous n’avons ni Game of thrones ni The Witcher, mais des narrateurs et des artistes.

© Olivier Dalmasso – Centre International d'Antibes

 

 

 

 

Partager