Compagnons de François Favrat - Sortie le 23 février 2022

Sept ans après Boomerang, un thriller dramatique qui eut un franc succès, François Favrat change totalement de registre avec son nouveau long métrage, Compagnons. Il réunit dans ce drame social la très populaire Agnès Jaoui (réalisatrice, entre autres, du Goût des autres en 2000) et Pio MarmaÏ (révélé en 2008 dans Le premier jour du reste de ta vie) autour de Najaa Bensaid, une jeune et talentueuse actrice, extraordinaire de justesse.
Hélène (Agnès Jaoui) prend sous son aile Naëlle (Najaa Bensaid), une jeune « en difficulté » en atelier d'insertion[1] et va lui faire connaître -ce qui pourrait bien changer sa vie- la Maison des Compagnons[2] de Nantes. La jeune fille va ainsi découvrir un univers aux codes bien différents du sien.
Avec le maître artisan Paul (Pio MarmaÏ), compagnon vitrailliste elle apprend les exigences d'un métier complexe. Car ce film a le mérite de mettre en valeur le travail manuel : Les mains aussi sont intelligentes, telle pourrait être en résumé la leçon de vie adressée par Hélène à la jeune tagueuse. Ainsi, pourquoi ne pas mettre à profit ses qualités artistiques avec le maître verrier ? Mais Naëlle devra aussi faire sa place en tant que femme car la parité est encore loin d'être observée et les premiers contacts avec Paul sont loin d'être chaleureux.
L'univers du compagnonnage dans lequel évolue cette jeune artistiquement douée, issue d'un quartier difficile, s'impose avec ses rites et codes traditionnels qui peuvent paraître désuets dans notre monde individualiste et ultra connecté. Ce monde de traditions qui prône l'excellence artisanale et la transmission entre générations fait aussi de l'entraide et la générosité des valeurs essentielles. La jeune Naëlle va pouvoir mesurer la véracité de ces principes quand elle aura à découdre avec des individus sans scrupules.
Dans un film où la part d'immersion dans un milieu bien particulier est importante, il était normal pour le cinéaste François Favrat d'intégrer de véritables compagnons dans la distribution, comme le Prévôt de la maison de Nantes, mais aussi de « vrais » jeunes du quartier de Bellevue. Au final, l'histoire s'articule naturellement, l'émotion est palpable, sans que les rôles des uns ne viennent contrarier ceux des autres. Une belle réussite avec un sujet qui sort de l'ordinaire !
© Sylviane Colomer – Centre International d'Antibes
Notes :
[1]Les ateliers et chantiers d'insertion (ACI) proposent un accompagnement et une activité professionnelle aux personnes sans emploi qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles . Notamment les jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté. Les salariés bénéficient d'une rémunération d'au moins égale au SMIC.
[2]Les premières traces du Compagnonnage remonteraient au Moyen-Âge. À partir de documents datant de cette époque, on peut attester l'existence de groupements de jeunes ouvriers qui voyagent, s'entraident, pratiquent des rites en diverses circonstances et possèdent des attributs et un vocabulaire unitaires. (Musée du Compagnonnage) D'ailleurs, le mot compagnon (étymologiquement du latin cum panis) ne signifie-t-il pas : celui avec qui on partage le pain ?
Pour les Compagnons du Devoir, le métier ne se limite pas au savoir-faire : c'est une culture, un savoir-être qui se transmettent. Leur devise étant : Ni se servir, ni s'asservir mais servir. (Fédération compagnonnique).
Une fois son premier diplôme en poche (CAP ou BAC PRO), le jeune ouvrier peut prétendre à son Tour de France en tant qu'ouvrier itinérant (2 villes par an). Il va lui permettre d'accéder à des connaissances techniques approfondies et variées ainsi qu'au titre si convoité de Compagnon du Tour de France. Désormais, il doit également effectuer un an de formation à l'étranger. Son statut de salarié lui permet de gagner sa vie tout en continuant sa formation dont la durée varie entre quatre et sept ans.
Les Maisons des Compagnons ouvertes sont au nombre de 44 aujourd'hui dans toute la France. Notons que les femmes n'y sont admises que depuis 2004.