Vers la sobriété heureuse essai de Pierre Rabhi publié en 201O/ Actes Sud

Avec Pierre Rabhi qui s'est éteint le 4 décembre dernier, la France vient de perdre un digne représentant de la pensée humaniste française. Précurseur de l'agroécologie, le romancier essayiste, grande figure médiatique, a su populariser la vision claire et simple qu'il développait pour la survie de notre planète.
De son nom d'origine Rabah Rabhi, né en Algérie en 1938, Pierre Rabhi s'installe dans le sud de la France en 1960, comme ouvrier agricole. Dans L'enfant du désert qu'il publie en 2019 aux éditions Gallimard-Jeunesse, il se dévoile aux plus jeunes, de manière poétique, à travers son enfance dans le désert algérien, sa découverte du monde, son adoption par un couple de Français et son installation en Ardèche, dans les Cévennes.
C'est sur ses terres ardéchoises où il « cultivait son jardin » que l'écrivain va, sa vie durant , enrichir sa vision de l'avenir, celui de notre planète et des hommes qui la peuplent. Il est à noter que dans ces années d'installation, Pierre Rabhi, quarante ans avant tout le monde, n'emploie plus de pesticides !
Plus tard, il s'est investi à un niveau international, en donnant de nombreuses conférences et en publiant des ouvrages sur ses expériences, ainsi que sur ses idées politiques et philosophiques[1].
Comme le colibri[2], il invitait chacun « à faire sa part ». C'est sur cette maxime d'ailleurs qu'est basée la philosophie du Mouvement Colibris (un petit oiseau mais un grand projet) qu'il fondera en 2007 avec Cyril Dion.[3]Ce mouvement repose sur l'action citoyenne et appelle aux actions locales pour permettre « l'émergence d'une société écologique et solidaire. »
Vers la sobriété heureuse publié en 2010 à près de 500000 exemplaires, est un plaidoyer pour la joie de vivre dans la simplicité. Un livre passionnant, humaniste et généreux, qui nous fait réfléchir sur le sens de nos vies et de nos valeurs.
Le bonheur n'est pas dans la possession, dans l'avoir mais dans l'être, écrit Pierre Rabhi. Il rejette l'abondance factice et la course à l'argent. [La vie n'est une belle aventure que lorsqu'elle est jalonnée de petits ou de grands défis à surmonter, qui entretiennent la vigilance, suscitent la créativité, stimulent l'imagination et, pour tout dire, déclenchent l'enthousiasme] p.23
Il préconise un retour à des valeurs que le monde moderne nous a fait perdre peu à peu : [Les impasses dans lesquelles le monde contemporain va de plus en plus se trouver l'obligeront à réhabiliter bon nombre de pratiques du passé.] p.83
Mais il ne prône pas le passéisme pour autant : [Il ne s'agit pas, dit-il en évoquant les arts de vivre passés, d'éveiller une sorte de nostalgie d'un monde révolu qui aurait atteint l'idéal, mais de déplorer que celui-ci n'ait pas été pris en compte et enrichi des valeurs positives de la modernité, plutôt qu'aboli.] p.85
Oui, vraiment, Pierre Rabhi et sa pensée[4] valent la peine qu'on le lise ou le relise pour pousser des portes que l'on croyait à jamais fermées, pour sortir de nos « boîtes » -selon son expression- et nous encourager à « faire notre part pour la planète ».
© Sylviane Colomer – Centre International d'Antibes
Notes
[1]La part du colibri publié en 2006, La convergence des consciences publié en 2017, pour n'en citer que deux.
[2]Colibris tire son nom d'une légende amérindienne racontée par Pierre Rabhi : Lors d'un immense feu de forêt, seul de tous les animaux, le colibri essayait d'éteindre l'incendie avec les quelques gouttes d'eau transportées dans son bec. Au tatou qui lui reprochait son agitation dérisoire, le colibri répondit : « Je le sais, mais je fais ma part.».
[3]Écrivain et auteur du documentaire militant à succès, Demain, co-réalisé avec Mélanie Laurent en 2015.
[4]Les critiques à l'encontre de son conservatisme sur les questions sociétales n'enlèvent rien à la sincérité et à l'honnêteté de sa pensée .