Musique

Daphné chante Barbara

treize chansons barbara pochette

Le 24 novembre 1997, la grande Dame brune de la chanson française nous quittait. Aujourd’hui, quinze ans après sa disparition, la France, unanime, rend hommage à Barbara. Parmi toutes ces marques de sympathie et d’admiration, nous avons retenu l’album de Daphné.

Barbara était de ces jeunes chanteurs hors norme, nés à la chanson dans les années 1950-1960. Trop rebelles, trop novateurs, trop difficiles à caser, trop libres, trop dérangeants pour l’époque, ils faisaient leurs premiers pas sans le soutien des radios, principal média d’alors. Au cours des années 60, alors que certains avaient réussi non seulement à percer, mais à devenir des acteurs incontournables de cette nouvelle chanson française dont ils étaient les porte-drapeaux, les radios et  la toute nouvelle télévision continuaient de les ignorer, ou de leur accorder une minime attention. Elles leur préféraient une variété chewing-gum, celle portée par la vague du yé-yé qui déferla sur la France dans le sillage des Beatles.

Ainsi, ces auteurs-compositeurs-interprètes, tels Georges Brassens, Jacques Brel, Mouloudji, Léo Ferré, Jean Ferrat, Barbara et d’autres…, traçaient leur propre voie et, à force de ténacité, imposaient une façon tout à fait personnelle, singulière, de se raconter et de raconter le monde. C’est à Paris, haut lieu de la création artistique, alors épicentre de l’art mondial, dans les cafés-théâtres de la rive gauche, qu’ils prirent leur envol.

Ils avaient la conviction chevillée au corps, une terrible exigence, d’abord envers eux-mêmes, qui forçait le respect, sinon l’admiration : ils n’interprétaient pas leurs chansons, ils ne chantaient pas, ils vivaient leurs textes avec leurs tripes et leur âme. Avec Barbara, ce qui d’emblée nous faisait vaciller c’était la puissance, l’intensité avec laquelle elle arrivait à nous faire vivre ses passions, ses inquiétudes et ses souffrances. Elle avait l’art de nous les transmettre et par là-même, de nous arracher frissons et chair de poule.

Barbara, comme les autres, l’ignorait mais ils étaient en train d’enrichir le patrimoine culturel français, de bâtir ce qui allait constituer le socle de la chanson française moderne.

Tellement moderne que, quinze ans après sa disparition, Barbara est toujours présente dans le paysage musical français. On ne compte plus le nombre de reprises1 de ses chansons par les (jeunes) chanteurs et chanteuses d’aujourd’hui dont Daphné fait partie.

Une voix à fleur de peau, une sensualité rare, une sincérité, une authenticité, le rejet des compromis et une volonté de quitter les sentiers battus pour tracer son propre chemin en privilégiant la beauté, voilà quelques-uns des nombreux points de rencontre entre cette jeune et talentueuse artiste que nous suivons depuis ses premiers pas2 et la grande Barbara. Le journaliste Thierry Lecamp de la station de radio Europe 1 ne s’y est pas trompé, lui qui a eu l’idée de convaincre Daphné de se lancer dans l’élaboration de cet album hommage.

Daphné ne prétend  pas faire du Barbara, elle sait la grande Dame brune unique. D’ailleurs, elle commet, à notre sens, l’erreur d’être trop respectueuse vis à vis de l’illustre aînée et se contente d’interpréter des chansons qui, répétons-le, ne sont pas faites pour l’être mais plutôt pour être vécues passionnément de l’intérieur. Le résultat demeure donc, parfois, trop sage et certaines chansons qui, lorsqu’on écoutait  Barbara, nous faisaient vibrer, paraissent un peu plates3 malgré l’intervention aux côtés de Daphné, de Jean-Louis Aubert (Göttingen), Benjamin Biolay (Dis, quand reviendras-tu ?) et de Dominique A (La Dame brune).

Mais rien ne nous empêche de retrouver4 Barbara si on le désire. Ne soyons pas chagrins et réjouissons-nous, plutôt : ce qui est gratifiant, c’est que des jeunes chanteurs de la nouvelle génération, talentueux et sincères, se sentent interpellés par le travail que les anciens ont tracé, qu’ils s’y reconnaissent, qu’ils s’en nourrissent pour, à leur tour, tracer leur propre chemin et apporter leur contribution à la chanson en langue française.

 

Regarder la dernière séance de travail de Daphné avant l'enregistrement de son album

 

© Alexandre Garcia – Centre International d’Antibes

 

1. Parmi les chanteurs qui reprennent des titres de Barbara ou qui s'inspirent d'elle: Jean-Louis Aubert, Camille, La Grande Sophie , Ariane Moffart, Olivia Ruiz, Raphaël ou Camelia Jordana .

2.  Voir celui qui fut notre premier coups de cœur musical, et qui le fut une nouvelle fois en mars 2011

3.  Les autres chansons :  Ce matin-là (1963) – Au Bois de Saint-Amand (1964) - Une petite cantate (1965) – Si la photo est bonne (1965) – La solitude (1965) – Parce que je t’aime (1966) – Ma plus belle histoire d’amour(1966) – Gueule de nuit (1968) -  Du bout des lèvres (1968) – L’aigle noir (1970)

4. Une intégrale de Barbara est parue le 5 novembre 2012, sous le titre Une femme qui chante. Le coffret comporte 19 CD.

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