Littérature
L’Enfer de Dante Par Paul et Gaëtan Brizzi - Editions Daniel Maghen, 202325/03/2024
Les classiques de la littérature inspirent plus ou moins directement la bande dessinée depuis toujours. C’est au tour du célébrissime récit de Dante de faire l’objet d’une adaptation de la part de deux frères artistes.
Plutôt que de se réduire à l’ illustration pure, Paul et Gaëtan Brizzi choisissent de narrer le périple de Dante pour ce qu’il est : une aventure initiatique où règne un imaginaire chrétien, médiéval et personnel -celui de Dante. On retrouve ainsi bien évidemment les cercles de l’Enfer, les malebolges, fosses où croupissent les damnés, Minos, les traîtres, les luxurieux ainsi qu’un certain nombre de protagonistes que Dante rencontre tout au long de ses poèmes. Le parti pris, on l’a dit, consiste à mettre en relief les péripéties à la manière d’un film d’aventure. Ainsi Dante et son guide, Virgile, échappent au regard du minotaure, puis à des centaures guerriers. Par la suite, ils se déplacent sur le dos d’un animal volant semblable à un ptérodactyle. Il leur faudra également ne pas chuter dans les eaux des fleuves des enfers et échapper à d’autres dangers. Les connaisseurs -mais qui a vraiment lu Dante ?- évalueront tant qu’ils voudront le degré de fidélité ou de liberté adopté par les dessinateurs. Ces derniers ont précisé, en préambule, qu’ils avaient écarté la tentation de l’exhaustivité et que, adaptation oblige, ils avaient fait des choix. Or choisir, c’est élire mais c’est aussi écarter.
L’aspect grandiose des décors, cités aux murs immenses, ruines diverses, tours fantasmagoriques nous font entrer de plain-pied dans le récit. Et ce d’autant plus aisément que les auteurs ont opté pour la prose plutôt que pour la poésie comme dans le texte originel. Si on perd la beauté des vers de Dante, on gagne en immersion immédiate. Sans prétendre égaler les illustrations renversantes de Gustave Doré, les frères Brizzi, optant eux aussi pour le noir et blanc, nous présentent des planches saisissantes aux perspectives parfois vertigineuses. Dante et Virgile, quant à eux, sont dessinés avec une touche expressionniste et cartooniste. Rien de surprenant dans la mesure où les frères Brizzi ont travaillé dans l’animation. Sans jamais tomber dans la caricature, le style lorgne donc du côté du dessin animé sans renoncer à une maîtrise académique du trait.
Nous parlions, il y a peu, de l’influence des classiques sur le 9ème art. Ce bel album ne dément pas nos propos et vous fera voyager, en toute sécurité, depuis le confort de votre fauteuil.