C’est la première fois que le grand écran honore Madame de Sévigné. En abordant le personnage de la célèbre écrivaine du XVIIème siècle à travers la relation fusionnelle qui la liait à sa fille Françoise, le film éponyme d’Isabelle Brocard dresse d’elle un portrait tout en intériorité et évite l’académisme du biopic en costumes.

Le film d’Isabelle Brocard, Madame de Sévigné, est une brillante réflexion sur la condition féminine avec le patriarcat en toile de fond. Tout en nuances et délicatesse, Karin Viard incarne la célèbre épistolière préoccupée par l’indépendance féminine à gagner sur les préjugés du Grand Siècle. Les propos de son amie et autre illustre écrivaine, Madame de Lafayette (brillamment interprétée par Noémie Lvovsky) abondent en ce sens.

Dès les premières séquences, Madame de Sévigné avait asséné à sa fille :Tu seras maîtresse de ta destinée, indépendante et heureuse. Mais Madame de Grignan (Ana Girardot) est amoureuse de son mari Monsieur de Grignan (Cédric Kahn). Elle le suivra en Provence où il est en poste et enchaînera les grossesses. L’amour abusif que lui porte sa mère n’aura pas raison de sa résistance.

Madame de Sévigné supportera très mal cette séparation et adressera à sa fille et quelques-uns de ses amis un millier de lettres (connues à ce jour). Ce sont des extraits de celles adressées à sa fille que nous lisons et entendons au fur et à mesure que se déroule l’histoire qui nous est contée.

Tout l’art d’Isabelle Brocard est de les avoir insérées naturellement à ce drame historique pour nous faire entrer dans l’intimité de ces deux femmes et nous faire découvrir le talent épistolaire de Madame de Sévigné.

Notons une autre qualité du film, et pas des moindres : toute l’intériorité de la relation fusionnelle qu’entretient Madame de Sévigné avec sa fille prend sa place dans des décors de tableaux flamands qui nous transportent  dans la réalité du siècle du « Roi Soleil ».

Le film se termine tel un post-scriptum : Madame de Sévigné rejoindra finalement sa fille en Provence à son invitation et y finira ses jours. Reste ses lettres  [1] qui ont affirmé leur place au centre de l’histoire littéraire… et sociale puisqu’elle y parle aussi de politique parmi les intrigues de la Cour de Louis XIV. Reste aussi un style vif, clair et précis, révélateur du mouvement classique du XVIIème siècle.

Pour son premier long-métrage, Isabelle Brocard nous livre ici un film d’époque passionnant où elle a eu la bonne idée d’inviter Karin Viard et Ana Girardot pour incarner le duo le plus célèbre de la littérature française.

Nous vous recommandons vivement de le découvrir. Et vous invitons à vous rendre à Grignan en Drôme Provençale pour découvrir le château qui depuis 1979 appartient au conseil général de la Drôme et depuis 1996 accueille chaque été le Festival de la Correspondance3

                                                                                                                       

  

  

 Sylviane Colomer – Centre International d'Antibes

  

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 [1] 28 lettres ont été publiées clandestinement en 1725 avant que la petite fille de Madame de Sévigné, Pauline de Simiane, n’en publie 614 en 1734. En 1970, l’historien Roger Duchêne établira une édition de référence pour la Pléiade.