Littérature
Sapiens et le climat, une histoire bien chahutée Olivier Postel-Vinay Éditions du Rocher, 202301/02/2024
Question devenue incontournable, le réchauffement climatique soulève anxiété, dénis, passions et exagérations de toute sorte. Olivier Postel-Vinay nous permet de remettre en perspective le lien entre l’homme et le climat en se plaçant sur un temps bien au-delà de notre modernité : celui de notre espèce, homo sapiens, et du temps géologique.
À l’échelle géologique, notre planète a, en effet, connu de très nombreuses phases de réchauffement et de refroidissement, parfois polaire. Notre mémoire météorologique n’excédant guère l’invention de l’écriture, soit environ 3000 ans avant notre ère, notre courte vue flatte notre anthropocentrisme. Pourtant, combien de vastes étendues d’eau se sont complètement asséchées avant de se remplir de nouveau ? Olivier Postel-Vinay cite les exemples des lacs Malawi et Tanganika, les plus grandes réserves d’eau douce de notre monde : « à un moment où Sapiens première manière existait, ces lacs ont perdu à quatre reprises plus de 95% de leur eau. » (p.19) On se rappellera par ailleurs que La Méditerranée a même, à une lointain époque, été vidée de son eau au gré de la tectonique des plaques, avant qu’un autre incident n’ouvre le verrou de Gibraltar, précipitant les eaux de l’Atlantique dans ce qui était devenu une gigantesque vallée. Les curieux pourront se référer à une fort belle vidéo de la chaîne Balade mentale, qui évoque cet épisode.
On répondra à tout cela qu’à notre époque, l’activité humaine joue un rôle bien plus important que par le passé sur les fluctuations du climat. Olivier Postel-Vinay ne s’inscrit pas en faux contre ce constat. Il invite simplement à prendre de la hauteur.
Quelques morceaux choisis pour vous donner envie de découvrir cette petite odyssée du climat :
Le Sahara vert
Vous avez certainement entendu parler de ce cliché. Il a existé et a bien eu lieu à plusieurs reprises « du vivant de Sapiens », à savoir « entre -103 000 et -73 000 », puis « entre -9200 et -3500 » (p.76). L’auteur nuance cependant l’expression : le Sahara à ces époques est une « savane arborée, comparable à l’actuel Sahel. » Réalité, donc, mais éloignée et absolument pas monolithique.
Le Nil tari ?
Eh oui, « vers -2220, les crues du Nil (p.109-111) » se sont « taries : « Le fleuve d’Egypte est vide, on peut le traverser à pied », lit-on sur la tombe d’un gouverneur de province » Cette période de l’Antiquité a ainsi bel et bien connu, en Afrique et en Asie, ce qui a été « la première méga-sécheresse de l’époque historique ». La construction, en Egypte, de vastes silos stockant le blé et la maîtrise d’un système d’irrigation ne suffiront pas à enrayer le phénomène.
Une nouvelle sécheresse en Méditerranée
Et ça ne s’arrête pas là : « Une période d’aridité croissante s’est installée dans l’est méditerranéen à partir de -1400 » (p. 117) Une sécheresse aussi violente aura raison de la civilisation Hittite qui succombera sous le manque d’eau et les invasions de « peuples de la mer », sans doute des Lybiens ou des Amorrites. Face à un tel bouleversement climatique, ce qu’on appellerait aujourd’hui les relations internationales sont bouleversées. Malgré tout, certains peuples survivent et s’organisent : on entre dans l’âge du fer. Les Phéniciens installés sur « l'actuelle côte libanaise » prospèrent en ces temps difficiles.
Nous n’allons pas poursuivre 2 indéfiniment ce catalogue d’exemples. L’essentiel est de saisir que, d’après l’auteur, l’ascension et le déclin de nombre de civilisations de l’Antiquité ne seraient pas dues à de seules causes économiques ou militaires mais à des bouleversements climatiques. Ce qui a été vrai de nos lointains ancêtres l’est aussi pour nous. Olivier Postel-Vinay n’invite à aucun fatalisme, à aucune résignation, il fait simplement de l’histoire.