Exploitation didactique de la chanson "Les oubliés" de Gauvain Sers
Type de document et source | Chanson Les oubliés de Gauvain Sers extraite de son album éponyme que nous présentons simultanément dans l’actualité culturelle de ce numéro 94. |
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Niveau européen Public | Elèves de lycée et étudiants adultes |
Matériel | Un reproducteur de son avec enceinte. Peut également se faire à partir d'un document PowerPoint et les TICE. |
Durée de l'activité | Séance de 45 minutes en classe. peut être suivi d'un travail hors classe (séquences 4 et 5) |
Activité | Travail sur le lexique pour découvrir une oeuvre d'un nouveau chanteur, auteur compositeur, qui nous parle d’une problématique de la France d’aujourd’hui. "Les oubliés" permet, en effet, de comprendre l'irruption du mouvement social des "gilets jaunes" à l'automne 2018. |
Objectifs au niveau culture et civilisation contempraines et interculturel | Le rapport Paris/province ; les Français de la province face aux élites parisiennes et la technocratie ; comprendre les doléances portées par le mouvement des "gilets jaunes".
Nous présentons dans ce même numéro de mai 2019 l'album éponyme de Gauvain Sers. |
Objectifs linguistiques | Travail lexical, quelques termes familiers.
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Objectifs CECR | - |
DÉMARCHE PÉDAGOGIQUE
Pour introduire en classe "Les oubliés" de Gauvain Sers, nous respecterons la démarche de la pédagogie active. L’enseignant se gardera donc d'annoncer à sa classe qu’il s’agit de travailler à partir des paroles d'une chanson. Ce document authentique va faire l’objet d’un travail de préparation préalable à la découverte proprement dite de la chanson. Les difficultés tant lexicales que syntaxiques ou bien contextuelles seront vues progressivement selon l’approche dite de l'homéopathie (chère à la pédagogie active) et comme nous le verrons dans la séquence 1, puis 2 et 3.
Ce n'est qu'après ce travail préparatoire qui, dans le même temps sert à déjà à aborder la problématique sociale de la chanson, que l'on dévoilera l'intégralité des paroles.
SÉQUENCES
Travail lexical
10 minutesCompréhension lexicale
10 minutesCompréhension écrite (ou orale) et production orale (ou écrite)
20 à 40 minutesCompréhension écrite et production orale et/ou écrite
20 minutesCompréhension écrite et production orale et/ou écrite
20 à 30 minutes
SÉQUENCE 1
Travail lexical
10 minutesLe professeur distribue ce QCM (questionnaire à choix multiple). Il s'agit pour les étudiants de choisir, parmi les solutions proposées, la définition qui correspond le mieux aux mots et expressions ci-dessous :
Avoir toujours la même dégaine =
□ la même faim
□ la même allure
□ la même envieSe faire la malle =
□ aimer voyager
□ faire le grand nettoyage de printemps
□ s’en allerUn sous-fifre =
□ une petite flûte (pour jouer de la musique)
□ une fleur que l’on trouve surtout en Provence
□ une personne subalterneC’est le cadet de leurs soucis =
□ c’est quelque chose que l’on ne veut pas
□ c’est un problème sans importance
□ c’est une piste à explorerUn patelin =
□ un petit jouet en bois
□ une spécialité provençale
□ un petit villageLes marmots =
□ des animaux qui vivent dans les Alpes
□ des enfants
□ de petites collinesDans les plus hautes sphères =
□ dans le ciel (vocabulaire de l’astronomie)
□ une expression de la cuisine
□ chez les gens très influentsUn second couteau =
□ petit couteau à dessert
□ couteau spécial pour ouvrir les huîtres
□ quelqu’un qui ne compte pasLes paumés =
□ des fruits
□ des gens un peu perdus
□ des poissons de la MéditerranéeSÉQUENCE 2
Compréhension lexicale
10 minutesActivité en deux temps
A/ Le professeur distribue deux phrases. L'une après l'autre, elles peuvent être inscrites sur deux cartes de couleur par exemple, ou bien tout simplement au tableau.
Les étudiants doivent essayer de trouver un contexte qui puisse correspondre à chacune d'elles.Dans la première phrase, il faudra notamment, s'interroger sur l'identité possible du personnage "Il"
Il pleure la fermeture, à la rentrée future
de ses deux dernières classesUne fois la première phrase travaillée, des hypothèses proposées, le professeur passera à la seconde phrase.
Où sommes-nous, où ceci peut-il se produire ?Il n'y a que les banques qui brillent dans
la rue principale
B/ Le professeur passera ensuite à l'écoute des binômes qui présenteront leurs idées.
Il leur demandera alors, si cela n'a pas été fait auparavant, d'essayer d'associer les deux phrases qui font partie du même problème social.
Lequel selon eux ?SÉQUENCE 3
Compréhension écrite (ou orale) et production orale (ou écrite)
20 à 40 minutesIl est temps de prendre connaissance de la chanson.
Ce qui peut se faire soit par écrit avec distribution des paroles de la chanson, soit à l'oral avec une première écoute.
La chanson peut être écoutée à partir du clip officiel (uniquement le son sans l'image).
Devant le portail vert de son école primaire
On l'reconnaît tout d'suite
Toujours la même dégaine avec son pull en laine
On sait qu'il est instit
Il pleure la fermeture à la rentrée future
De ses deux dernières classes
Il paraît qu'le motif c'est le manque d'effectif
Mais on sait bien c'qui s'passeOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet d'leurs soucisÀ vouloir regrouper les cantons d'à côté en 30 élèves par salle
Cette même philosophie qui transforme le pays en un centre commercial
Ça leur a pas suffi qu'on ait plus d'épicerie
Que les médecins se fassent la malle
Y a plus personne en ville, y a que les banques qui brillent dans la rue principaleOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet d'leurs soucisQu'il est triste le patelin avec tous ces ronds-points
Qui font tourner les têtes
Qu'il est triste le préau sans les cris des marmots
Les ballons dans les fenêtres
Même la p'tite boulangère se demande c'qu'elle va faire
De ses bon-becs qui collent
Même la voisine d'en face elle a peur, ça l'angoisse
Ce silence dans l'écoleOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet d'leurs soucisQuand dans les plus hautes sphères couloirs du ministère
Les élèves sont des chiffres
Y a des gens sur l'terrain, de la craie plein les mains
Qu'on prend pour des sous-fifres
Ceux qui ferment les écoles, les cravatés du col
Sont bien souvent de ceux
Ceux qui n'verront jamais ni de loin ni de près
Un enfant dans les yeuxOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet de leurs soucisOn est troisième couteau
Dernière part du gâteau
La campagne, les paumés
On est les oubliésDevant le portail vert de son école primaire
Y a l'instit du village
Toute sa vie, des gamins
Leur construire un lendemain
Il doit tourner la page
On est les oubliésUne première série de commentaires et d'observations doit venir mettre en évidence le problème social qui est ici présenté, par exemple.
- la fermeture d'une école
- le déclin d'une petite ville ou village
- la désertification de certaines campagnesAprès cette première découverte de la chanson, les étudiants seront invités à proposer un titre.
L'enseignant peut les inviter également à imaginer le clip. Ils devront alors, faire correspondre des images aux paroles de la chanson :
PAROLES IMAGES
Devant le portail vert de son école primaire
On l'reconnaît tout d'suite
Toujours la même dégaine avec son pull en laine
On sait qu'il est instit
Il pleure la fermeture à la rentrée future
De ses deux dernières classes
Il paraît qu'le motif c'est le manque d'effectif
Mais on sait bien c'qui s'passeOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet d'leurs soucisÀ vouloir regrouper les cantons d'à côté en 30 élèves par salle
Cette même philosophie qui transforme le pays en un centre commercial
Ça leur a pas suffi qu'on ait plus d'épicerie
Que les médecins se fassent la malle
Y a plus personne en ville, y a que les banques qui brillent dans la rue principaleOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet d'leurs soucisQu'il est triste le patelin avec tous ces ronds-points
Qui font tourner les têtes
Qu'il est triste le préau sans les cris des marmots
Les ballons dans les fenêtres
Même la p'tite boulangère se demande c'qu'elle va faire
De ses bon-becs qui collent
Même la voisine d'en face elle a peur, ça l'angoisse
Ce silence dans l'écoleOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet d'leurs soucisQuand dans les plus hautes sphères couloirs du ministère
Les élèves sont des chiffres
Y a des gens sur l'terrain, de la craie plein les mains
Qu'on prend pour des sous-fifres
Ceux qui ferment les écoles, les cravatés du col
Sont bien souvent de ceux
Ceux qui n'verront jamais ni de loin ni de près
Un enfant dans les yeuxOn est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet de leurs soucisOn est troisième couteau
Dernière part du gâteau
La campagne, les paumés
On est les oubliésDevant le portail vert de son école primaire
Y a l'instit du village
Toute sa vie, des gamins
Leur construire un lendemain
Il doit tourner la page
On est les oubliésSÉQUENCE 4
Compréhension écrite et production orale et/ou écrite
20 minutesLe style et le ton de cette chanson
Les étudiants devront ensuite s'intéresser au style et au ton de cette œuvre de Gauvain Sers
Ils devront remarquer le caractère critique, le ton dénonciateur et engagé du propos qui cherche à transmettre un message.
Ils devront saisir que le texte de la chanson met en scène deux groupes en opposition (groupe A et groupe B, voir séquence suivante).Le professeur demandera ensuite aux étudiants de surligner la phrase qu'ils ressentent comme la plus critique face à la situation dénoncée.
Nous pourrons avoir par exemple :
- Cette même philosophie qui transforme le pays en un centre commercial
- Ceux qui ferment les écoles, les cravatés du col, sont bien souvent de ceux qui ne verront jamais ni de loin ni de près un enfant dans les yeux
SÉQUENCE 5
Compréhension écrite et production orale et/ou écrite
20 à 30 minutesAnalyse de la chanson
Le professeur demande aux étudiants d'analyser les deux groupes sociaux Groupe A et Groupe B qui sont ici mis en scène.
Dans le tableau ci-dessous, les étudiants reporteront toutes les informations relatives à chacun de ces deux groupes, par exemple :Groupe A =
Groupe social dans lequel le chanteur se positionne, auquel il s’identifie (on est)- L’instituteur (habillé simplement)
- Les médecins partis
- On (nous) est les oubliés
- Les trop loin de Paris
- Les gens des campagnes
- Les paumés
- On est le cadet de leurs soucis
- La petite boulangère
- La voisine
- Les gens sur le terrain qui ont de la craie plein les mains
- L’instituteur toute sa vie a essayé de construire un futur aux enfants
- On est troisième couteau, la dernière part du gâteau
Groupe B =
Groupe social que le chanteur dénonce, qu’il critique
- Les gens qui ont pris la décision de fermer les deux dernières classes (Pourquoi ?)
- Les décideurs qui veulent regrouper les élèves des cantons voisins
- Ça ne leur a pas suffi (ce qui veut dire qu'il existe des gens qui veulent cela)
- Les gens d’en haut dans les ministères
- Ceux pour qui les gens du groupe A sont le cadet de leurs soucis
- Ceux qui ferment les écoles sont des gens en costume-cravate
- Ces gens-là ne savent rien des enfants
- Ces gens-là se prennent très au sérieux et considèrent les autres comme des sous-fifres
Une fois répertoriés les éléments qui distribuent les deux groupes sociaux opposés, vient le temps de l'analyse qui peut aboutir à la réflexion suivante :Groupe A = les gens de ce village, de la petite ville à la campagne, loin de Paris où les décisions se prennent dans les ministères.
- Ces gens se sentent abandonnés, pas représentés.
Ils subissent les décisions qui viennent d’en haut.
Ils subissent aussi les effets du cercle vicieux du processus de désertification. En effet, la vie semble disparaître inexorablement (strophe Qu’il est triste le patelin) car quand l’école ferme, c’est la vie même du village qui s’éteint.- Ici, les habitants de ce patelin, mettent déjà des mots sur leurs maux. Ils ont compris un certain nombre de choses. Ils se sentent abandonnés. Ils nomment précisément ceux qui sont la cause de leur mal-vivre : les élites parisiennes, ceux qui ont le pouvoir et pour qui, les gens ne représentent pas grand-chose (on est les oubliés, troisième couteau, dernière part du gâteau…).
- C’est, ici, le début d’une prise de conscience qu'une injustice est en train d’être commise depuis un certain temps, à leur égard.
- On peut imaginer que, face à ce sentiment d’injustice, ces gens vont essayer de s'organiser pour enrayer ce processus de marginalisation, peut-être même se révolter...
Voir l’édito "Considérations autour d’un ustensile de sécurité devenu symbole de contestation"
Goupe B = Ces gens-là se trouvent à Paris, ils semblent prendre des décisions en fonction uniquement de raisons budgétaires et non humaines (en vertu d’une philosophie qui transforme le pays en centre commercial).
- Ce groupe est formé de technocrates qui ne s’intéressent qu’aux chiffres. C’est la gestion budgétaire et donc la notion de rentabilité qui l’emporte.
- Loin du terrain, dans leurs bureaux, ils ignorent les conséquences de leurs décisions, combien elles peuvent être douloureuses pour les gens du groupe A. Combien elles peuvent être mal perçues.
- Leurs décisions peuvent également être dangereuses socialement parlant. En effet, les victimes de cet état de fait peuvent ressentir cette mise à l’écart comme une grande injustice et vouloir réagir. Cette prise de conscience peut alors déboucher sur un conflit social.
Voir l’édito "Considérations autour d’un ustensile de sécurité devenu symbole de contestation"
© Alexandre Garcia - Centre International d’Antibes